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Jean-Jacques Becker, à Paris, le 25 avril 2014. PIERRE ANDRIEU / AFP Jean-Jacques Becker, qui est mort le 10 juillet, à l’âge de 95 ans, fut l’un des plus grands historiens de la guerre de 14-18. Lui préférait l’appeler “la Grande Guerre”, notion utilisée par les contemporains du conflit. “Une guerre comme on n’en avait jamais vu”, précisait-il. Né le 14 mai 1928 à Paris, Jean-Jacques Becker, dont le père avait “fait” Verdun, grandit dans une France où le souvenir de la “grande boucherie” était omniprésent. Il est issu d’une famille juive d’Alsace, qui quitte Paris pour Grenoble, en zone Sud, en 1942. Après la seconde guerre mondiale, il poursuit des études d’histoire en se consacrant d’abord à celle du mouvement ouvrier. Il adhère au Parti communiste français (PCF) en 1947, mais, comme sa sœur, l’historienne Annie Kriegel (1926-1995), il rompra avec le communisme, en 1960, à la suite des révélations sur le stalinisme. Militant activement contre la guerre d’Algérie, il s’engage également dans le syndicalisme. Membre du Syndicat national de l’enseignement secondaire (SNES), il est un secrétaire de section très actif dans la grève de mai-juin 1968, au lycée Arago où il enseigne l’histoire. Lire aussi cette archive : Pourquoi appelle-t-on la première guerre mondiale la “Grande Guerre” ? Jean-Jacques Becker entreprend une première thèse sur la surveillance des antimilitaristes en France avant 1914, soutenue en 1968, puis une seconde sur les Français lors de l’entrée en guerre en 1914, sous la direction de Pierre Renouvin, ancien combattant de la Grande Guerre. Renouvin, grand maître de l’histoire diplomatique, accepte, non sans quelques réticences. En effet, le sujet ne va pas de soi : la Grande Guerre n’est plus à l’honneur, et l’opinion publique française est un champ d’étude peu défriché. Le mythe de “la fleur au fusil” Jean-Jacques Becker découvre une source précieuse : les rapports des instituteurs français pendant l’année 1914. Ses recherches le conduiront à remettre en question la mythologie du départ à la guerre “la fleur au fusil”. L’historien établit que, dans les campagnes, c’est l’étonnement qui prévaut à l’annonce de la mobilisation. Dans les villes, la surprise est moins grande, car les journaux donnent des nouvelles inquiétantes depuis un certain temps. D’abord consternés, les Français se sont résolus à faire la guerre. Pierre Renouvin meurt avant que Jean-Jacques Becker finisse sa thèse. C’est René Rémond qui suivra son travail. Soutenue en 1976, sa thèse, intitulée L’Opinion publique française et les débuts de la guerre de 1914, est publiée un an plus tard par la Fondation nationale des sciences politiques. Nommé maître assistant à la faculté des lettres de Nanterre (1968-1977), puis professeur aux universités de Clermont-Ferrand (1977-1985) et de Paris X-Nanterre (1985-1994), Jean-Jacques Becker prend la direction du Centre international de recherche de l’Historial de la Grande Guerre de Péronne (Somme), inauguré en 1992, et s’entoure d’une équipe d’historiens issus des quatre coins du monde. Parmi eux, sa fille Annette Becker, Stéphane Audoin-Rouzeau, l’Américain Jay Winter, l’Allemand Gerd Krumeich et le Britannique John Horne. D’emblée, ils décident que la muséographie de l’Historial accordera autant d’importance aux belligérants français, britanniques et allemands. Privilégiant l’histoire culturelle, le centre de Péronne porte une attention particulière au vécu sur le front et à l’arrière. D’autres chantiers novateurs sont lancés : Jean-Jacques Becker dirige avec Stéphane Audoin-Rouzeau une Encyclopédie de la Grande Guerre (Bayard, 2004, rééd. Perrin, 2012) rassemblant une centaine d’articles sur les aspects militaire, politique, économique, social, religieux, artistique et culturel du conflit. Lire aussi : Article réservé à nos abonnés 1914-1918 : “Histoire et mémoire sont difficilement séparables” Reconnu comme un pionnier du renouvellement de l’histoire de la Grande Guerre, il devient un référent incontournable pour les médias et les politiques. A l’occasion du 80e anniversaire de l’entrée en guerre, en 1994, Le Monde confie à Jean-Jacques Becker et à ses proches collaborateurs le soin de rédiger une série d’été intitulée “La Très Grande Guerre”. Plaisir de l’écriture Sollicité par le secrétaire d’Etat aux anciens combattants pour l’organisation du 90e anniversaire de l’armistice, en 2008, l’historien propose d’inviter les chefs d’Etat des anciens pays belligérants, dont la chancelière allemande. Mais Angela Merkel ayant décliné l’invitation, Nicolas Sarkozy met de côté le “rapport Becker”. Renonçant à la traditionnelle cérémonie de l’Arc de triomphe, le président choisit de célébrer le 11-Novembre à Verdun. “Si l’intention était de quitter Paris – ce qui ne me choque pas -, on aurait pu penser à la Somme, commentait alors Jean-Jacques Becker. La bataille qui s’y déroula en 1916 y fut en effet plus meurtrière que celle de Verdun, plus internationale aussi dans la mesure où des Anglais y ont également participé.” Après que le premier ministre Lionel Jospin appela à “réintégrer les soldats fusillés pour l’exemple dans la mémoire nationale”, lors du 80e anniversaire de l’armistice, en novembre 1998, il contesta le caractère exemplaire donné aux exécutions dans l’armée française. Selon lui, les mutineries avaient été marginales. Une thèse prolongée dans 14-18, retrouver la Guerre (Gallimard, 2000), de Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker, qui fut vivement combattue par une nouvelle génération d’historiens engagés à gauche. Quand il n’écrivait pas sur la Grande Guerre, Jean-Jacques Becker cultivait son autre sujet de prédilection : la vie politique française contemporaine. Auteur de nombreuses études sur la gauche française, dont Le Parti communiste veut-il prendre le pouvoir ? (Seuil, 1981) et Histoire des gauches en France, codirigée avec Gilles Candar (La Découverte, 2004), Jean-Jacques Becker déplorait que l’on réduise ses travaux à 14-18. Président d’honneur de la Société d’études jaurésiennes depuis 2015, Jean-Jacques Becker était également un clemenciste. Si sa parole se fit rare pendant les commémorations du centenaire 14-18, il ne renonçait pas au plaisir de l’écriture. Dans un de ses derniers articles, intitulé “Clemenceau aurait-il pu arrêter la guerre avant 1918 ?”, publié dans la revue L’Année Clemenceau, 2017 (CNRS Ed.), il démontrait qu’à son grand âge il était encore capable de décortiquer avec brio des questions complexes. Jean-Jacques Becker en quelques dates 14 mai 1928 Naissance à Paris 1947-1960 M
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