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Francais

« Pour lui faire comprendre qu’il n’est qu’une merde humaine, elle porte autant de sacs que possible, en plus de l’enfant sur sa hanche »

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Quasi disparus derrière les valises, la poussette, les tote bags, les sacs à dos qui forment comme une barricade montée en pleine insurrection, ils attendent dans la deuxième file, celle des résidents de l’île. Avec leurs billets ­grugés, postés raides et non coupables, derrière le fils de la maraîchère et sa carriole saturée de tomates, de melons et de pêches, ils attendent le bateau-navette pour Porquerolles.

Cette passion de gratter du temps et du privilège, un des trucs de sa belle-famille qui peut le rendre méchant. Après toutes ces semaines noires, passées à avoir peur jusqu’à aller s’enfuir chez ses parents dans la montagne de son enfance, il n’en revient pas d’avoir le bleu de l’eau du petit port de la Tour-Fondue à ses pieds.

Il faut forcer un peu pour décoller le nez du carreau et renouer avec l’idée de vacances. Quand il lève la tête, ce qu’il voit surtout, avant la mer et la lumière, c’est le visage de sa femme plombé par la colère, toute persuadée qu’elle est de son inaptitude à en ressentir, « je te promets, la tristesse oui, mais jamais la colère ». Pourtant, malgré les promesses, elle est partout sur elle, le contour de son visage changé, comme s’il avait avalé du gravier par les pores.

Quinze minutes de douceur

Depuis qu’ils se sont retrouvés au point de rendez-vous, à la station de taxis du port, elle fait tout pour ne pas lui parler. Des semaines sans se voir, elle à Paris avec leur fille, lui dans la montagne, et elle n’échange qu’avec sa mère, son regard doré roulé sous ses paupières lasses. La navette maritime bleu et blanc finit par accoster. On leur ouvre la barrière VIP. Pour bien lui signifier qu’il n’est qu’une merde humaine, Rachel porte le plus de sacs possible, en plus de l’enfant sur sa hanche, et trace devant, sa mère à sa suite.

Assis sur les bancs blancs à l’arrière du bateau, le nez dans les cheveux couleur et odeur croissant de sa petite fille affalée sur ses genoux, il regarde la rive continentale s’éloigner. Alice ne l’a pas vu depuis presque un mois, mais pour elle, parce qu’elle a 3 ans, ils se sont quittés la veille et depuis hier rien n’a changé, elle l’aime « pour toute la vie entière ». Sa femme et Mado, sa belle-mère, se sont installées à l’intérieur, l’une à côté de l’autre, en blanc toutes les deux ; une déesse guerrière à deux têtes.

Quinze minutes de traversée, quinze minutes de douceur avant de plonger dans la moiteur acide de l’été familial. Juste troublée par les remous du moteur, l’eau est sereine et le ciel bleu tendu. Il se rend compte qu’il a oublié chez ses parents le petit cadeau pour Rachel, une jolie chaîne en or torsadée trouvée chez un antiquaire, pour faire oublier le merdier des derniers mois. Les contours de l’île aux pirates apparaissent, puis le phare. Alors qu’ils entrent dans le port de Porquerolles, ils croisent le Saint-Christophe, le bateau-citerne qui ravitaille l’île en eau potable.

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