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Mali : Alors on vous présentera un candidat

sega-diarrahOn peut être le type de gars à vouloir espérer contre toute espérance et se trouver pourtant en proie au plus grand désarroi.

Je relativise certes la mystique de l’élection présidentielle à la fin de la transition : la volonté de cliver, marquer sa différence, souder son camp avant de rassembler les Maliens, conduit à hystériser – au sens plein, névrotique – des questions essentielles.

Mais si cette transition  a peut-être intéressé davantage les Maliens que la précédente ( 2012), c’est à la façon d’une telenovela. Aucun thème ne s’est imposé, aucun enjeu majeur pour les cinq, dix et vingt années prochaines n’est sérieusement discuté.

Il y a pourtant urgence, pour le pays, pour la politique.

Je n’ai guère entendu de réponse satisfaisante à la seule question qui me semble devoir se poser : que voulons-nous pour le Mali ?

J’ai entendu l’un dire « A bas la France », l’autre « vive le partenariat militaire Mali-Russie». Cela ne fait pas un pays.  Pour n’être pas un enjeu négligeable, la coopération militaire ne peut pas être l’ultima ratio de la politique, et de notre temps en particulier.

Car oui, nous faisons face aujourd’hui à un enjeu de civilisation. Non que, comme certains se complaisent à l’affirmer, notre civilisation soit en péril. Mais elle est en mouvement. Faute de « volonté commune dans le présent » autant que de reconnaissance de « gloires communes dans le passé », c’est l’existence même d’une Nation qui est en suspens.

Nous ne nous sommes guère penchés sur ce que nous considérons aujourd’hui encore comme des choix fondateurs de notre civilisation, de notre culture. Nous avons bien peu débattu de ce que signifie aujourd’hui former une Nation. Quelle Nation souhaitons-nous former en commun, sur quels fondements existants et avec quelle ouverture aux possibles ?

Quel contrat tacite passons-nous avec l’ensemble des Maliens, ceux qui sont en rebellion comme ceux qui aspirent à une paix ? Si la Nation est ce « plébiscite de tous les jours » selon la formule ressassée de Renan, savons-nous seulement ce que nous voulons ?

C’est bien la volonté qui forme les Nations et, comme il l’écrit plus loin, « avoir des gloires communes dans le passé, une volonté commune dans le présent; avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore, voilà les conditions essentielles pour faire un peuple ».

Notre peuple, notre Nation, ne se perpétueront pas par la seule invocation des gloires communes dans le passé mais par la distinction d’une volonté commune dans le présent, et l’adhésion du peuple à celle-ci. Or, en tout ceci, tant l’existence d’une volonté elle-même que celle de la mettre en œuvre en commun sont incertaines, de sorte que c’est bien l’existence même d’une Nation qui est en suspens.

Cela aurait pu donner lieu à un débat, tant je pense que même l’efficacité militaire peut découler d’une vision commune, de la volonté de participer à un destin partagé. Nous aurions pu aussi débattre en profondeur de l’éducation, « mère de toutes les batailles » – y compris face aux visées religieuses fondamentalistes. Il y avait bien des choses à dire, des propositions à entendre.

Au lieu de cela, il semble que nous ayons cru imaginable de faire l’impasse sur cette transition, et de remettre la grande explication à plus tard.

A tous égards, cette transition n’a rien pour répondre à la situation de crise protéiforme que nous vivons. Les multiples renoncements et trahisons de la parole donnée que nous avons connu ont encore dévalorisé la politique.

A chaque fois, le gouvernement s’est empressé de juger que les circonstances avaient suffisamment changé pour justifier qu’il renonce à honorer son engagement moral d’appliquer les recommendations du M5rfp.

Faudrait-il donc, alors que personne ne défend le bilan de feu Ibrahim Boubacar Keita, assurer la poursuite du même système politique par d’autres moyens ? Dans ce marasme, on comprend que la junte suscite des enthousiasmes. Tout en pressentant qu’ils sont de ces élans qui précèdent de peu les cruelles désillusions.

Assimi Goita paraît à ce jour encore bien trop évanescent. Certains le voient porté par le peuple, comme le Général Amadou Toumani Touré avant lui. N’est-ce pas oublier que ATT avait pour lui un actif, une gloire passée et une renommée forgée dans les temps de plus grande épreuve ? Toutes choses dont Assimi Goita est dépourvu.

Il brillerait sur le plan militaire. Pouvons-nous vraiment compter sur les qualités d’un officier militaire du temps d’IBK qui a vu le Mali faire moins bien que les autres pays du sahel, quand il faisait d’habitude aussi bien, ou jeu égal?

Si ce n’est donc sur son bilan et sa gloire militaire passée, sur quoi peut se fonder l’emballement ?

L’attrait de la nouveauté, celui de la jeunesse ? Tout passe.

Sans compter qu’à supposer que l’on identifie sa ligne politique, il est non seulement douteux que ses propres soutiens (sans même parler des ralliements opportunistes) partagent aujourd’hui une vision commune sur une ligne politique mais très incertain qu’il réunisse une majorité politique aux législatives à venir.

Et invoquer la seule « cohérence des Maliens » est aussi sympathique qu’inconséquent. Le désarroi et l’amertume alimentent le dégagisme. Ils n’autorisent pourtant pas la politique de la terre brûlée. Il n’est ni rassurant, ni satisfaisant de s’en remettre au seul bon sens des Maliens.

Alors on vous présentera un candidat. Nous avons de bonnes raisons d’être déçus, d’être amers, d’être en colère.

Mais il y a des risques que nous ne pouvons pas courir et des responsabilités  qu’il faudra assumer. On vous présentera un candidat, au regard des programmes, en n’oubliant pas que si la présidentielle est présentée comme la rencontre d’une personne et d’un peuple, le gouvernement n’est pas l’affaire d’une personne seule.

On vous présentera un candidat, en sachant que ce n’est pas un acte d’amour mais une responsabilité politique. On vous présentera un candidat.

Avec peut-être une adhésion relative, avec la conviction que le salut même temporel ne vient pas de la seule politique, mais de l’engagement personnel, intellectuel, culturel, associatif et qu’il ne manque pas de travail pour qui aime son pays et veut contribuer à lui forger une volonté commune dans le présent.

Mais on vous présentera un candidat tout de même.

Séga DIARRAH

Président BI-TON

https://bi-ton.org

Mon BLog : https://diarrah.org

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