Droit social. Espagne (4 x 8 heures), Portugal (4 x 9 heures), Belgique (4 x 9 h 30) … Selon des modalités extrêmement variées, y compris en termes de rémunération, la semaine de quatre jours est expérimentée en Europe : elle fait l’objet d’un concert de louanges de la part des salariés volontaires interrogés.
L’enthousiasme est plus mesuré côté entreprises et usagers des services publics. Encore plus dubitatif est le cadre de proximité français qui commençait à maîtriser le Mikado du travail hybride et doit comprimer cinq journées en quatre, avec en principe la même charge de travail et la même durée globale ; à moins qu’il ne s’agisse d’un cheval de Troie pour passer aux 32 heures.
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Quel prestidigitateur ! Produire sur le long terme la même quantité de biens ou de services, avec une équipe identique travaillant 20 % en moins : belle performance collective, sachant que les journées seront plus longues et que la productivité en fin de journée pourrait laisser à désirer. Le manageur ne va-t-il pas « mettre la pression » pour y parvenir, avec des questions de harcèlement managérial ? Alors, pause déjeuner réduite, réunions plus courtes… Mais bonne idée pour la communauté de travail que cette chasse aux si mal nommés « temps morts » collectifs ? Et, pour les travailleurs du savoir, cette exportation accrue du travail à la maison ne pourrait-elle pas empiéter sur le temps de repos ?
Si l’entreprise ferme le vendredi et pour tout le week-end, il y a peu de problèmes insolubles, et des gains réels côté CO2. Mais qu’en est-il si elle doit rester ouverte le vendredi, sans création de deux équipes comme dans l’industrie ?
En off ce jour-là, le cadre encadrant ne va évidemment ni surveiller ni joindre ses équipes au travail. Celles-ci ne le contacteront d’ailleurs jamais, ni a fortiori les clients et fournisseurs, dûment chapitrés. Des employeurs avouent mezza voce « devoir fonctionner avec un système de “demi-astreinte” pour rester réactifs ». L’inspection du travail pourrait se montrer également réactive, y compris pour travail dissimulé.
Le rôle du manageur
Car, outre la prise d’un autre emploi, les irritants juridiques gérés par la DRH sont multiples : quel sort pour les mis à disposition, les travailleurs à temps partiel déjà à 80 %, la révision générale des forfaits jour, le premier mai tombant un jour de repos…
Et, au quotidien, ce sont les situations personnelles de chaque collaborateur (lorsque l’enfant naît, grandit…) qui viennent perturber le bel accord de performance collective ayant tout remis à plat. Notre passage d’un droit collectif des travailleurs aux droits de la personne au travail génère une hyperflexibilité individuelle retombant sur le manageur, premier de corvée.
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