L’écran géant du tribunal de Rennes descend lentement, mercredi 19 juillet. Un silence de plomb s’abat dans la salle d’audience. La juge, Agnès Al-Takarli, souhaite projeter le film au cœur des débats. Il s’agit d’une vidéo d’une dizaine de secondes qui a circulé sur les réseaux sociaux. On découvre alors l’agonie d’un homme dans le métro rennais. Il est 23 h 16, lundi 29 mai. La victime vient d’être agressée à coups de machette. Six de ses artères ont été sectionnées. Il titube dans l’escalier du métro. Il perd beaucoup de sang. Il s’appuie à une rambarde qui mène au quai puis s’effondre lourdement sur les marches.
A la barre du tribunal, une étudiante de 18 ans baisse les yeux. Cette fille de fonctionnaires refuse de regarder la scène qu’elle a, pourtant, filmée. Le tribunal lui reproche une « complicité de violence », « non-assistance à personne en danger » et « la diffusion d’une vidéo portant atteinte à l’intégrité d’une personne ». Quelques instants après la captation de cette vidéo, l’étudiante a envoyé le fichier à sa mère et à son petit ami de 20 ans. Ce dernier, un homme longiligne au visage juvénile, est assis à quelques rangs d’elle. Il est accusé avec sa sœur de 22 ans d’avoir posté le film sur les réseaux sociaux.
Tatiana Abachkina, avocate de la mère de l’homme assassiné, s’indigne : « Cette vidéo a volé l’enterrement du fils de ma cliente. Toutes les personnes présentes ne parlaient que de ces images montrant l’agonie d’un homme que l’on filme comme une bête de cirque et à qui on ne prête aucun secours. » La procureure, Alice Barbe, opine et reproche aux prévenus un « manque d’humanité ».
« J’ai paniqué »
Un autre film démontre néanmoins la complexité du dossier. La projection de la vidéosurveillance du métro révèle la surprise de la jeune étudiante en découvrant les traces de sang au sol. C’est à cet instant qu’elle a le « réflexe » de saisir son téléphone. Elle avance et est surprise lorsqu’elle découvre, dans l’escalier, l’homme agonisant. La jeune femme reste figée, quelques instants, coupe l’enregistrement puis fait le chemin inverse pour alerter d’autres passagers. Ces derniers préviennent les secours.
« Un monsieur, sans domicile fixe, a utilisé son tee-shirt pour porter secours à la victime. Il a essayé un massage cardiaque. Ça doit être ça, le réflexe dans ce genre de situation. Pourquoi avoir filmé ? », s’agace la présidente du tribunal. Des trémolos dans la voix, l’étudiante balbutie : « J’ai paniqué. J’ai eu peur qu’il y ait encore les agresseurs autour. J’étais choquée. Je m’excuse. Je ne recommencerai plus. »
Il vous reste 43.59% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.