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Mali : Nous sommes désormais à l’orée d’un nouveau chaos politico-institutionnel

Face aux louvoiements et errements des putschistes du 18 août 2020, l’Administration Biden-ayant
compris le danger qui guette le Mali dans la perspective d’une prolongation de la Transition audelà des dix-huit mois convenus- a fermement exigé des Autorités maliennes la publication d’un calendrier électoral lors de la réunion du Conseil de Sécurité qui s’est tenue le 06 avril 2021.

Si l’injonction Américaine a pour effet immédiat de briser le rêve initial des putschistes du 18 août
2020 de demeurer au pouvoir jusqu’en 2023, terme légal du mandat interrompu d’IBK, elle ne
règle pas pour autant la question de la faisabilité de l’organisation des élections dans les délais
fixés dans le chronogramme décliné par les Autorités de la Transition.

Dans la précipitation et pour desserrer l’étau Américain et Onusien, les putschistes du 18 août 2020
ont publié le 15 avril 2021, le calendrier ci-dessous :

I. Remarques :

  1. Le processus de révision constitutionnel (de l’adoption du projet de Constitution par le
    Conseil des Ministres à la promulgation de la nouvelle Constitution s’étire sur une période
    six mois : de juin 2021 à janvier 2022.
  2.  Ce processus n’intègre pas la possibilité du rejet de projet de Constitution par la classe
    politique et la société civile. Il est en effet, plus que certain, que ces différents acteurs seront
    très réticents à accepter un projet constitutionnel adopté par le CNT ne disposant d’aucune
    légitimité aux yeux de l’ensemble des Maliens.
  3.  Les élections des conseillers communaux, de cercle et des conseillers régionaux et du
    District sont programmées avant la promulgation de la Constitution le 14 janvier 2022. Or,
    selon BI-TON, pour réussir les élections devant
    clôturer la Transition, il importe d’opérer des changements fondamentaux dans les textes
    régissant l’organisation desdites élections, à savoir :
  • Réviser la Constitution du 25 février 1992 ;
  • Changer les règles d’organisation et de fonctionnement de la Cour constitutionnelle ainsi
    que la procédure suivie devant elle ;
  • Modifier les conditions d’éligibilité, le régime des inéligibilités et des incompatibilités, les
    conditions de remplacement des membres de l’Assemblée Nationale en cas de vacance de
    siège, leurs indemnités et déterminant les conditions de la délégation de vote ;
  •  Revoir la Loi électorale ainsi que la Charte des Partis Politiques etc…
  • Le mouvement Bi-TON est également favorable à la création d’un organe unique indépendant de
    gestion des élections.

II. Les impasses actuelles :

Après six mois d’errements chaotiques au cours desquels les putschistes du 18 août 2020 ont
largement montrés sans ambages leur incompétence, leur volonté irrépressible d’accaparer les
rênes de l’État, la Transition malienne se trouve désormais dans une impasse irremédiable car elle
est désormais dépourvue de toutes ressources pouvant lui permettre de sortir de l’ornière avant la
fin de l’échéance d’avril 2022.

  •  La mauvaise appréhension des questions militaires et sécuritaires : plus que jamais, les
    putschistes du 18 août 2020 ne disposent d’aucune stratégie permettant d’enrayer
    l’aggravation et l’extension de l’insécurité sur toute l’étendue du territoire national pour la
    simple et bonne raison, qu’ils n’ont pas pensés la question militaro-sécuritaire, ce qui les
    amènent à agir au coup par coup sans obtenir de résultats probants. Ils sont à la remorque
    de Barkhane et de la Minusma qui ont leur propre stratégie. Ils sont de piètres
    accompagnateurs des forces étrangères écumant le territoire national. Farabougou, assiégé
    depuis le 5 octobre 2020, illustre parfaitement cette absence de stratégie et l’impotence des
    FAMas face aux souffrances quotidiennes du Peuple Malien.
  • Le rejet de la classe politique bloque toutes les entreprises de réforme : la défiance
    affichée par les putschistes du 18 août 2020 vis-à-vis des forces politiques et la société
    civile a atteint désormais son paroxysme. De fait, les putschistes du 18 août 2020 avancent
    seuls vers le chaos politico-institutionnel en déclinant un agenda politique mal pensé.
    L’exclusion est leur marque de fabrique.
  • Le marasme économique et social aggravé par l’extension incontrôlée de la pandémie
    du COVID-19 : le pays est affecté par un marasme économique et social se traduisant par
    la multiplication des grèves dans tous les secteurs d’activités sans que les putschistes soient en mesure d’y faire face. Cette situation est d’autant plus prenante qu’elle intervient à un moment où la pandémie du COVID-19 connaît un rebond de plus en plus incontrôlable par les tenants du pouvoir qui tardent également à prendre les décisions idoines en matière de vaccination.

III. Un chrogramme improvisé, mal pensé contenant de nombreux tiroirs attrapenigauds :

Mal outillés intellectuellement, mal conseillés et mal inspirés, les putschistes du 18 août 2020 ne
se rendent pas que leur propre calendrier contient de nombreux pièges qu’ils seront incapables de
dénouer par eux-mêmes.

  • Le premier obstacle à la réussite du calendrier électoral, c’est l’insécurité qui, telle
    une pieuvre aux multiples tentacules, s’est généralisée sur toute l’étendue du territoire
    national en frappant désormais aux portes de Bamako. De fait, les conditions ayant permis l’enlèvement en plein jour, le 20 mars 2020, de Soumaïla Cissé, le chef de file de
    l’Opposition durant la campagne pour les élections législatives de mars-avril 2020 se sont
    davantage détériorées durant les huit mois écoulés qui ont montrés l’incurie des Autorités
    de la Transition en matière de sécurité.
  • Le deuxième obstacle fondamental, c’est le caractère non inclusif, non consensuel
    ayant présidé à la confection du chronogramme. Par essence, les élections concernent
    au premier chef les partis politiques. Or, les putschistes du 18 août 2020 veulent diriger le
    pays en considérant les partis politiques comme des « reliques du passé » n’ayant plus voix
    au chapitre. En caporalisant l’appareil d’Etat, ils escomptent créer ex-nihilo une nouvelle
    classe dirigeante totalement à leur dévotion pour continuer à diriger le pays par procuration.
    Par ailleurs, en déclinant leur agenda de manière solitaire, les putschistes du 18 août 2020
    veulent pousser les partis politiques à rejeter leur chronogramme afin de les indexer aux
    yeux de la « communauté internationale » comme étant les responsables d’un éventuel
    dérapage politique ayant entrainé une prolongation de la Transition au-delà des dix-huit
    mois initialement convenus. Il est clair que les partis politiques ne resteront pas inertes face à une telle situation.
  •  Le troisième obstacle réside dans cette question : qui va financer les élections ? Quel
    est le montant réel des financements nécessaires pour l’ensemble du processus électoral ?
    Là encore, les putschistes demeurent muets sur cette question fondamentale.

IV. L’inexistence des conditions politiques et techniques pour la révision de la Constitution du 25 février 1992 :

Objectivement, les conditions politiques sont nettement plus dégradées aujourd’hui que
durant les régimes d’ATT et d’IBK au cours desquels les Maliens s’étaient massivement
dressés contre les tentatives de révision de la Constitution du 25 février 1992. Pour l’ensemble des Maliens, le CNT, qui doit examiner et adopter le projet de Constitution devant être soumis au référendum du 31 octobre 2021, ne dispose d’aucune légitimité, ce qui le disqualifie d’office dans le cadre de la procédure référendaire.

  • Par ailleurs, l’article 118 (alinéa 2) de la Constitution du 25 février 1992 dispose :
    « Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté
    atteinte à l’intégrité du territoire national ». Cette disposition rend caduque toute tentative
    de changement du texte constitutionnel présentement. Les putschistes ne disposeront pas
    des ressorts politiques pour contourner cet obstacle constitutionnel.
  • Autres éléments fondamentaux : le chronogramme ne prend pas explicitement en compte
    la question du Fichier électoral sans lequel une élection ne peut être considérée comme
    « sincère ».
  • Il ne définit pas également quel type d’organe sera chargé d’organiser le scrutin
    référendaire et les scrutins qui suivront.
  •  

Au total, les putschistes du 18 août 2020 se sont piégés eux-mêmes en publiant un chronogramme irréaliste et irréalisable en :

  • Marginalisant la classe politique et la société civile qui disposent d’idées pertinentes en la
    matière ;
  •  Occultant le fait que l’on est en présence d’une Administration démotivée et désorganisée
    du fait de la caporalisation excessive l’appareil d’Etat pratiquée par les putschistes euxmêmes ;
  • Pratiquant le secret et en excluant les principaux acteurs politiques, les putschistes ont
    laissés germer l’idée selon laquelle les élections ne seront qu’une mascarade destinée à
    couronner la personne qu’ils vont adouber pour leur succéder et « couvrir leurs arrières »

Plus globalement, il est illusoire de croire en la possibilité d’élaborer une nouvelle Constitution,
de l’imposer à un Conseil national de Transition « illégitime » et d’organiser un scrutin
référendaire dans les six mois à venir. En voulant faire adopter à la hussarde une nouvelle
Constitution, les putschistes doivent s’attendre à de très fortes contestations.

De même, organiser des élections générales sans l’Organe unique de gestion desdites élections,
c’est ouvrir la voie à une réédition de la crise politique qui a emporté le régime d’IBK

V. L’inutilité politique et technique du Comité d’Orientation Stratégique :

  • La mission du Comité d’orientation stratégique consiste à faire des propositions sur les
    quatre points suivants :
    • le parachèvement du processus de réorganisation administrative et territoriale,
    • la réforme du système électoral,
    • l’élaboration d’une nouvelle constitution et
    • le chantier de la régionalisation.
  • Force est de constater qu’il n’y a aucune synchronisation entre les putschistes du 18 août 2020 et le Premier ministre de Transition comme l’atteste clairement les faits suivants :
    • Le Ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation est le maître
      d’œuvre des «rencontres» avec la classe politique. Il a déjà mis en mission des
      experts pour travailler sur les questions électorales (organe de gestion devant
      remplacer la CENI qui a été dissoute ; calendrier électoral désormais dévoilé ;
      réorganisation territoriale etc…) ;
    • Le ministre de la Refondation de l’Etat, chargé des Relations avec les institutions, qui est un affidé de la Junte du 18 août 2020, de son côté, affirme qu’il existe déjà un projet d’une nouvelle Constitution qui sera dévoilée en juin 2021.
    • Le Comité d’orientation stratégique a tenu sa première session le 19 avril 2021, soit cinq jours après la publication du chronogramme sur les élections par le Ministre de l’Administration territoriale !
  • Les élucubrations d’Issa Kaou Djim, le porte-voix des putschistes du 18 août 2020 :

Issa Kaou, -quatrième vice-président du CNT et Président de l’Appel Citoyen pour la Réussite de la Transition (ACRT)- est un véritable saltimbanque des temps modernes. Il est au service des maîtres du jour.

Il sait chanter leurs louanges avec des superlatifs dithyrambiques genres : «le Très respecté, le Très vénéré Imam Mahmoud Dicko» «L’imperturbable et le patriote Assimi Goïta» etc…

Tonitruant, utilisant des formuleschocs, il proclame haut et fort, ce que pensent les commanditaires de ses actions. Dès la publication du chronogramme, il est subitement devenu un missi dominici chargé de tirer à boulets rouges sur le Premier ministre de Transition et pour proclamer que les élections ne doivent pas avoir lieu selon le chronogramme gouvernemental en arguant du fait qu’il faut auditer la gestion des régimes précédents afin d’arrêter et de juger les fossoyeurs de l’économie nationale…

 

Au total, la nouvelle rhétorique incendiaire d’Issa Kaou Djim constitue un élément majeur des arrière-pensées nourries par les putschistes du 18 août 2020 qui ont été pris au dépourvus par la fermeté du message de l’Administration Biden quant au rejet de toute idée de prolongation de la Transition malienne.

  • Toutes les désynchronisations entre le Premier ministre de Transition et ses ministres
    montrent clairement qu’il y a « anguille sous roche », qu’il y a manifestement une volonté
    de fourberie de la part des véritables maîtres du pouvoir, à savoir : les putschistes du 18
    août 2020. En homme avisé, le Premier ministre de Transition doit se rendre compte de
    l’inutilité du Comité d’orientation stratégique et refuser de faire de la figuration pour plaire
    à la communauté internationale.

VI. Comment empêcher le compte à rebours vers le chaos politico-institutionnel ?

 

  • Nous sommes désormais à l’orée d’un nouveau chaos politico-institutionnel. Il reste à
    savoir :
    •  Quand est-ce que cela interviendra-t-il ?
    • Quelle forme cela revêtira-t-il ?
    • Combien de temps cela durera-t-il ?
  • Ces questions découlent elles-mêmes des interrogations suivantes :
    • Quelle solution faut-il envisager si les élections ne se tenaient pas dans le délai imparti ?
    • Faudra-t-il prolonger le mandat des putschistes qui ont sciemment œuvré pour obtenir une prolongation de la Transition ?
    •  Faut-il attendre Février 2022 pour constater l’incurie des putschistes ?
    • Ne faut-il pas anticiper la défaillance des putschistes au lieu d’attendre d’arriver à Février 2022 pour réaliser qu’ils ont conduits le pays au bord d’un nouveau chaos politico-institutionnel ?
    •  Quelles solutions peut-on raisonnablement mettre en œuvre pour éviter de plonger le pays dans une nouvelle descente aux enfers ?
    •  Quels réaménagements institutionnels faut-il envisager pour sortir de la situation actuelle qui consacre l’impotence du Président de la Transition et du Premier ministre qui sont condamnés à un rôle de figuration par les putschistes du 18 août 2020 ?
    •  La junte militaire, qui est la seule responsable de l’incurie actuelle, ne doit-elle pas être écartée définitivement et radicalement de la gestion de la Transition ?
    • Le Mali doit-il rester l’otage d’une coterie d’hommes préoccupée par l’appât du
      gain et la jouissance des privilèges conférés par la gestion du pouvoir d’Etat ?

La Junte du 18 août 2020 apprendra à ses dépens que les Maliens ne sont pas passifs et qu’ils
enregistrent tous leurs faits et gestes. Les Maliens sont patients. Mais c’est une Patience de mûrissement qui prendra fin le jour où ils décideront de mettre un terme à la gestion chaotique de ceux qui prétendaient être là pour le Peuple le 21 août 2020.

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