« Le savoir en prison m’empêche de dormir », affirme Frédéric Veaux. Dans un entretien au Parisien publié dimanche 23 juillet, le directeur général de la police nationale (DGPN) exprime son soutien au fonctionnaire de police placé en détention provisoire à Marseille après sa mise en examen, ainsi que trois de ses collègues de la brigade anticriminalité (BAC), pour « violences en réunion par personne dépositaire de l’autorité publique avec usage ou menace d’une arme ». Ils sont soupçonnés d’avoir roué de coups un homme de 21 ans dans la nuit du 1er au 2 juillet, au moment où la ville était en proie aux violentes émeutes qui avaient suivi la mort de Nahel M.
« De façon générale, je considère qu’avant un éventuel procès, un policier n’a pas sa place en prison, même s’il a pu commettre des fautes ou des erreurs graves dans le cadre de son travail. J’exclus de mon propos les affaires qui concernent la probité ou l’honnêteté, explique Frédéric Veaux. Mais lorsqu’un policier est dans l’exercice de sa mission, on doit admettre qu’il peut commettre des erreurs d’appréciation. Le policier doit rendre compte de son action, y compris devant la justice, mais on doit aussi tenir compte des garanties dont il bénéficie et qui le distinguent des malfaiteurs ou des voyous. »
Le DGPN, qui a rendu visite aux policiers marseillais samedi et dit « comprendre l’émotion et la colère », appelle à « prendre en considération les difficultés de l’exercice du métier et le contexte général dans lequel les policiers sont amenés à agir ». « Lors des émeutes, les policiers sont souvent intervenus dans un contexte de chaos total. On ne peut pas s’abstraire de ce contexte », tient-il à rappeler.
« La goutte d’eau qui fait déborder le vase »
Les syndicats de policiers fustigent depuis vendredi le placement en détention provisoire de l’un des leurs. « La détention provisoire est une mesure d’exception qui s’applique autant aux citoyens qu’aux policiers », ont affirmé les syndicats Alliance et UNSA, dans un communiqué aux termes presque identiques à celui du Syndicat des commissaires de police. « Chaque fois qu’ils doivent rendre compte à la justice, les policiers sont renvoyés à leur responsabilité individuelle, sans jamais remettre en cause leur administration », a de son côté déploré le syndicat Unité-SGP Police-FO, appelant tous les policiers de France à « se mettre en 562 », c’est-à-dire ne plus assurer que les missions essentielles.
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« Une enquête va se faire. S’ils ont fauté, ils seront sanctionnés. Mais la détention provisoire, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase », a ajouté Rudy Manna, du syndicat Alliance, évoquant « plusieurs dizaines » de policiers marseillais « en arrêt maladie ou en burn-out ».
Jusqu’à présent, l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) s’est saisie d’au moins 21 enquêtes, « de nature et de gravité très différentes », sur les agissements des forces de l’ordre lors des manifestations et violences ayant suivi la mort de Nahel M., avait affirmé le 12 juillet la cheffe de l’IGPN, Agnès Thibault-Lecuivre. Plusieurs enquêtes judiciaires sont également en cours. A Marseille notamment, une autre enquête porte sur la mort d’un jeune homme de 27 ans, probablement après un « choc violent au niveau du thorax » causé par un projectile de « type Flash-Ball », au cours de la même nuit du 1er au 2 juillet.
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