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Mali : le problème principal est l’affaiblissement de l’Etat (Par Séga DIARRAH)

sega Diarrah

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Le Mali est malade. Cela fait bien plus longtemps que 2013 que le processus délétère de la dissolution de l’appareil d’Etat a été engagé.

Depuis les années 1980, année des programmes d’ajustement structurel de la banque mondiale et du FMI au Mali, à force de restructurations et de coupes dans les effectifs, il ne reste plus grand chose de l’Etat régalien, celui de l’ordre public, des services à la population et du vivre ensemble.

 

Un recul qui se paie aujourd’hui par un d’abandon et de colère de larges pans de la population, et surtout, par une véritable incapacité des politiques à agir.

 

Le maillage de l’appareil d’Etat sur les territoires est réduit à son strict minimum. Il est même par endroit en dessous de la ligne de flottaison. L’administration territoriale, avec ses préfets et les CB, ça n’existe plus.

Le préfet, débordé de boulot, est environné de services “transversaux”, c’est à dire faisant un peu de tout, se replie sur les tâches essentielles. Quand on se penche sur ce qui se passe concrètement dans une préfecture (ou pire, une sous-préfecture) de région, on a l’impression d’être dans un service des urgences d’un hôpital de Bamako.

Les agents n’ont plus de moyens, plus de motivation. Il faut vraiment avoir la foi dans le service public pour être administrateur civil.

 

Le dementèlement de la fonction publique à rendu l’État, et donc les politiques, myopes sur les menaces.

 

Ce n’est pas à coup d’accord de paix et de reconciliation qu’on lutte contre le terrorisme, mais avec des agents sur le terrain.

Aujourd’hui, il ne reste plus qu’une administration centrale déboussolée. Les directions de ministères à Bamako sont devenues des machines à produire des rapports, pour justifier ses effectifs et son existence.

 

Entre l’abandon de missions, et l’absence d’appréhension de ce qui se passe réellement sur les territoires, elles sont en roue en libre.

Cette machine à la cité administrative de Bamako tourne à vide et ne veut pas mourir, ce qui provoque encore davantage de chaos et de complications dans un appareil d’État de plus en plus dysfonctionnel, qui peine à recruter car il n’a plus les moyens de rivaliser avec les rémunérations du privé.

 

Cela donne ce que l’on voit aujourd’hui. Un État qui n’est plus que l’ombre de lui-même et ne remplit plus sa mission .

 

Les élus de la Nation en ont perdu toute capacité à agir efficacement et toute autorité morale. Cela était particulièrement criant avec ATT, mais pouvait déjà être perçu sous Alpha Oumar Konaré. Les Maliens ont cru que les problèmes venaient de leur classe politique, consanguine et déconnectée.

Force est de constater aujourd’hui, que le mal est beaucoup plus profond, et vient du démantèlement de la puissance publique, tant dans ses fondement politiques et symboliques, que dans ses moyens d’action.

 

Le pays ne peut pas esquiver un débat sur le sujet. La demande de plus et de mieux d’État est de plus en plus criante.

 

A raison, car derrière ces structures, c’est un des piliers de la Nation malienne, de ce qui est au fondement du “génie national”, qui a été attaqué.

Le Mali est un pays qui a été construit par son appareil d’État. Ne pas le voir amène à des déconvenues douloureuses. Encore aujourd’hui, les maliens attendent beaucoup de la puissance publique, en partie par héritage historique, mais également parce que la société civile a toujours eu du mal à émerger pour prendre le relais.

Là encore, c’est un héritage profond qui est en jeu : nous sommes un pays où les gens ne se font pas spontanément confiance.

 

L’État est le lieu où s’élabore les règles du “vivre-ensemble”. Casser le système étatique, c’est casser la colonne vertébrale politique du pays. Il en résulte une violence qui ne cesse de monter, car une fonction vitale pour la communauté nationale, n’est plus assez bien remplie.

 

On est là des fondamentaux, sur lesquels un homme, fut-il de grande qualité, n’a aucune prise.

 

Croire qu’on peut changer la culture politique profonde d’un pays en quelques mois, par la grâce d’une élection au suffrage universel relève de la méconnaissance profonde de ce qu’est la politique.

 

C’est pourtant dans ce panneau que les maliens sont tombés. La crise au centre du pays les a amenés à prendre conscience qu’ils ont fait fausse route, et que quelque chose ne fonctionne pas dans leur démarche et leur manière d’agir.

Ils ne semblent malheureusement pas avoir trouvé les clés pour aller sur le bon chemin, en posant les bonnes questions.

 

La crise que vit le Mali est avant tout la crise de son système étatique, qui a été trop affaibli et ne répond plus aux attentes des maliens. C’est par là qu’il faut commencer si on veut réparer le pays.

 

Séga DIARRAH

Blog : diarrah.org

Président de BI-TON

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