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« Dans ma famille, on avait l’impression de vivre au bord du précipice »

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L’écrivaine et sociologue de la littérature française Kaoutar Harchi, à Paris, le 16 juin 2021.

« Ahmed fut broyé, broyé jusqu’à l’os, l’os des chiens. » Cet énoncé, extrait du dernier livre de l’écrivaine et sociologue Kaoutar Harchi, Comme nous existons (Actes Sud, 2021), résonne de manière assourdissante avec la mort de Nahel M., tué le 27 juin par une balle policière. Il était déjà question de la mort d’un jeune homme suite à des violences policières. « La violence s’est alors mêlée à notre vie, dans l’indécence, dans l’impudeur. Nous fûmes dépouillés de nous-mêmes », écrivait Kaoutar Harchi dans une enquête autobiographique d’une puissance extrême.

Quelques jours après la tragédie de Nanterre, on la retrouve à la terrasse d’un café parisien, sa valise à portée de main, prête à quitter au plus vite l’agitation de la capitale qu’elle ne supporte plus. Elle réside désormais tout près du lac Léman. À 36 ans, cette fille d’immigrés marocains évoque son « travail émotionnel pour ne pas rester dans quelque chose de trop dévorant ». Et voilà qu’elle se lance déjà dans l’analyse de cette crise : « Cela fait ressurgir, tel un geyser, des frontières raciales très prononcées. »

Puisque tout est imbriqué, Kaoutar Harchi accepte de revenir sur sa jeunesse dans une banlieue strasbourgeoise, sur le fait de naviguer entre différentes classes sociales, entre les subterfuges de ses parents, « de véritables stratèges de [sa] existence », et le sentiment constant d’être décalée dans son lycée catholique privé. Il n’est pas étonnant qu’elle ait fini par choisir la sociologie, avide qu’elle est de « résoudre l’énigme ».

Dans quel milieu avez-vous grandi ?

J’ai grandi dans un milieu populaire, celui de l’immigration postcoloniale. Nous vivions dans un petit quartier de Strasbourg plutôt calme, mais qui était souvent influencé par ce qui se passait autour. Nous habitions dans un immeuble de douze étages, avec cinq appartements par palier : imaginez la pression que cela peut représenter en termes de bruit, de va-et-vient… Depuis la cuisine, j’étais souvent là à observer tout cela. Nous sommes trois filles et je suis l’aînée.

Vos parents sont tous les deux nés au Maroc. Quand et pourquoi sont-ils venus en France ?

Mon père a passé une grande partie de sa vie au Maroc. Ma mère, quant à elle, s’est installée en France avec ses parents, ses frères et sœurs, alors qu’elle avait 7 ans. Mes parents se sont rencontrés et mariés à Casablanca, mais ils ont “choisi” de construire leur vie là où d’autres l’avaient déjà construite avant eux : oncles, tantes, cousins… en France. Mes parents ont peut-être estimé, à ce moment-là, que quelque chose les attendait ici. Ils sont partis à la rencontre de ce quelque chose. À ce jour, j’ignore s’ils l’ont trouvé.

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