La deuxième ville de la métropole lilloise, qualifiée d’une des plus pauvres de France, si ce n’est la plus pauvre, a connu une nouvelle nuit terrible. La totale destruction par un incendie du site Euratechnologie Blanche Maille, un accélérateur de start-up d’e-commerce installé dans un des anciens bâtiments de La Redoute, dans le quartier populaire de l’Alma, est sans doute l’un des plus graves événements de la nuit. Les quatre étages de la solide bâtisse de la rue du Fontenoy (un des bâtiments emblématiques de l’ancienne cité textile) se sont embrasés et la partie située en bordure de la rue de la Lys, prise par les flammes, s’est effondrée sur la chaussée. Des tas de briques y empêchaient toute circulation vers 4 heures du matin et les pompiers tentaient encore de circonscrire les derniers foyers.
Dans le quartier de l’Epeule, les émeutiers ont mis à sac le hall et le restaurant du Colisée, le beau théâtre dans lequel Jacques Brel avait donné son dernier concert. Ils ont utilisé le mobilier du restaurant pour dresser une barricade dans la rue commerçante de l’Epeule, qu’ils ont ensuite incendiée. À côté de la gare, la supérette Proxy, attenante à l’hôtel B&B, a été pillée et totalement ravagée par les flammes, mais aucune victime n’est à déplorer dans l’hôtel : les pompiers ont réussi à limiter l’incendie à la supérette, dont il ne reste absolument rien.
Autre quartier où les incidents sont récurrents à Roubaix : le Pile, où le centre social a été incendié. La présence du RAID à Roubaix, survolée une partie de la nuit par un hélicoptère de la gendarmerie, n’a pas empêché la police d’être débordée par les multiples émeutes aux quatre coins de la ville. De nombreux riverains ont passé une partie de la nuit sur le pas de leurs portes, assistant effarés aux destructions et aux charges de la police, qui n’a pu que tenter de limiter les dégâts en faisant face à des tirs de mortier et de cocktails Molotov.
Dans le quartier de la gare, d’où part l’avenue Jean-Lebas qui mène à la mairie, on se souvient qu’en 2005 l’incendie d’une maison divisée en appartements avait provoqué la mort de quatre personnes, dont une fillette de 7 ans et sa mère. Michel, un riverain, nous confiait son angoisse de vivre pareil drame :
“Quand on a vécu ça en 2005, on est terrorisé. À l’époque, des jeunes avaient mis le feu dans l’entrée de cette grande maison et la cage d’escalier a fait comme une cheminée. Tout s’était embrasé en quelques minutes.”
Encore traumatisé par ce terrible incendie, Ahmed, la bonne soixantaine, qui habite une des rues adjacentes, nous disait“ne plus rien comprendre à tout ça.” Consterné par cette violence, il prévoit de quitter Roubaix quelques jours pour se mettre à l’abri chez un de ses fils qui habite une ville “plus tranquille” de la métropole lilloise.
On a vu cette nuit à Roubaix des émeutiers très jeunes, adolescents pour la plupart, et très mobiles. Ici, la nuit a été beaucoup plus violente qu’à Tourcoing, la ville voisine, dont Gérald Darmanin était le maire jusqu’à son entrée au gouvernement, où une bande d’une cinquantaine de personnes s’est déployée dans le quartier des Phalempins et celui de la Croix-Rouge, sans parvenir à atteindre la mairie, sous haute surveillance policière.