« Tu partages ? » : c’est d’un ton moqueur qu’une femme d’une trentaine d’années salue le retour du supermarché d’un jeune homme les bras chargés d’emplettes. Il est deux heures du matin, un attroupement d’une cinquantaine de personnes est massé aux portes du supermarché Carrefour de Noisy-le-Sec.
« Ben vas-y faire tes courses, y’a plein encore dans les rayons », lui répond en riant son interlocuteur avant de s’engouffrer dans l’entrée de son immeuble, une tour d’une quinzaine d’étages qui domine le carrefour Jeanne d’Arc.
Comme lui, ils sont nombreux à repartir chargés du commerce dont le rideau de fer et les vitrines ont été éventrés. Les butins sont constitués de produits de la vie courante, victuailles, papier toilettes et produits ménagers. Plus prévoyants que d’autres, certains s’équipent avec des chariots de courses mettant à profit l’obscurité dans laquelle est plongée la ville pour disparaître, les éclairages urbains étant tous éteints. Les seuls éclairages sont ceux des feux de poubelles et palettes qui bloquent la circulation sur la chaussée. Il n’y a pas de force de l’ordre ou de pompiers visibles.
La zone industrielle de Bas Pays a Romainville parait, en comparaison, étrangement calme. Des voitures foncent sans s’embarrasser des signalisations routières. A l’autre bout de la RN3, ce sont les forces de police qui bloquent le passage dans le quartier Hoche à Pantin. Des feux importants sont visibles un peu plus loin sur la chaussée. Une compagnie de CRS charge. L’odeur des gaz lacrymogènes domine sur celle des fumées. Interrogé, un policier juge la situation plus tendue que la veille et se demande quand tout cela va s’arrêter.
Difficile de fournir une réponse définitive à cette question. A travers les rues de Bagnolet, de Romainville et des Lilas, il suffit de passer à quelques minutes d’intervalle au même endroit pour y trouver un décor bouleversé. Au pied de la tour de télécommunication Vasconi, dans la cité Gagarine de Romainville, des chantiers routiers ont été mis sens dessus dessous. Un véhicule finit de se consumer mais personne n’est visible à la ronde.
Aux Lilas, un autre policier assure, lui, que c’est beaucoup plus calme ce soir. Quelques mètres plus loin, il faut slalomer entre les feux de poubelle, et ses confrères de la police municipale sont plus tendus. Un camion de pompiers manœuvre mais ne s’arrête pas pour éteindre les départs de feux.
La notion de calme est devenue étrangement polysémique. Joint par téléphone, le maire de Romainville, François Dechy, ajoute à l’incertitude quant à la définition du terme : « On a plus d’effectifs qu’hier donc c’est un peu plus calme. Mais on a quand même soixante individus qui ont voulu attaquer le poste de police municipale vers deux heures du matin » Il signale le même type d’attaque aux Lilas. Épaulée par la police nationale, la police municipale est parvenue à repousser les assaillants.